Le milliardaire franco-russe Pavel Durov, fondateur de l'application Telegram, arrêté à Paris

Samedi, les gardes-frontières et la police militaire français ont arrêté le milliardaire franco-russe Pavel Durov, 39 ans, fondateur de l'application de messagerie cryptée Telegram, en transit à l'aéroport du Bourget à Paris. Durov a été emprisonné pour risque de fuite et accusé de 12 crimes impliquant le commerce de stupéfiants, la pornographie juvénile, le crime organisé et la fourniture de services cryptographiques non autorisés.

Le cofondateur de Telegram, Pavel Durov, le 1er août 2017. [AP Photo]

Le président français Emmanuel Macron a publié le premier commentaire sur la plateforme de médias sociaux X  pour défendre l'arrestation, mettant en garde contre les « fausses informations » sur l'arrestation de Durov. Il a affirmé : « L’arrestation du président de Telegram sur le territoire français a eu lieu dans le cadre d’une enquête judiciaire en cours. Ce n’est en rien une décision politique. Il revient aux juges de statuer ».

En réalité, l'arrestation et l'emprisonnement de Durov sont manifestement motivés par des considérations politiques réactionnaires, et dépourvus de tout fondement juridique substantiel. Il vise à aider les puissances de l'OTAN dans leur guerre contre la Russie en Ukraine et à ouvrir la voie à une escalade des attaques contre les droits démocratiques, y compris la confidentialité sur Internet et la liberté d'information, dans les pays où se trouvent les 900 millions d'utilisateurs de Telegram. Il s'agit surtout des pays de l'ex-Union soviétique, du Moyen-Orient et de l'Inde.

En particulier, des responsables des gouvernements de l'OTAN et du régime ukrainien d'extrême droite ont appelé à plusieurs reprises à interdire l'application, qui est très populaire en Ukraine, l'accusant d'être un canal de « propagande russe » qui va à l'encontre de leur guerre contre la Russie.

Durov est un citoyen russe qui a quitté la Russie en 2014 pour vivre à Dubaï et a acquis la nationalité française après être entré en conflit avec le Kremlin pour son refus de transmettre des informations du réseau social VKontakte aux autorités de l'État russe. Il a été arrêté samedi à l'aéroport du Bourget en compagnie de son garde du corps et de son assistante, Julia Vavilova, tous deux laissés en liberté.

Les 12 chefs d'accusation qui pèsent contre lui découlent d'une première enquête ouverte secrètement contre Durov par l'Office français des violences contre les mineurs (Ofmin). Aucune des accusations ne vise la propre conduite de Durov, mais implique plutôt l'argument selon lequel Durov est personnellement responsable d'activités criminelles présumées menées par d'autres personnes utilisant l'application Telegram. Cet argument juridique concocté a conduit à ce que Le Monde a avoué être une « première mondiale » en termes d'arrestation de dirigeants des principaux médias sociaux.

Immédiatement après l'arrestation, un enquêteur de la police française a jubilé devant TF1 : « [Durov] a commis une boulette ce soir. On ne sait pas pourquoi… Est-ce que ce vol n'était qu'une étape ? En tout cas, il est coffré !».

Un autre a déclaré que Durov ne serait pas autorisé à quitter la prison, même après la fin de la détention provisoire : « Pavel Durov finira en détention provisoire, c'est certain. Sur sa plateforme, il laissait se commettre un nombre incalculable de délits et de crimes pour lesquels il ne fait rien pour modérer ou coopérer ».

La couverture médiatique dans les médias russes et pro-OTAN montre toutefois clairement que l'arrestation est liée à la poursuite de la guerre par l'OTAN contre la Russie et aux tentatives de limiter l'opposition populaire à la guerre, tant en Ukraine qu'au niveau international.

Les médias russes s'inquiètent publiquement du fait que l'arrestation et la détention de Durov pourraient avoir un impact dévastateur sur les opérations des forces russes en Ukraine, qui utilisent largement Telegram. « Telegram pourrait devenir un outil de l'OTAN, si Pavel Durov est contraint d'obéir aux services de renseignement français », a déclaré Moskovsky Komsomolets. « Les chats Telegram contiennent une énorme quantité d'informations stratégiques d'une importance vitale. … Si Telegram tombe en panne, comment [notre armée] va-t-elle se battre ?

Marielle Wijermars, professeure à l'Université de Maastricht, a déclaré à France24 : « Telegram est largement utilisé dans l'armée et l'establishment politique pour les communications ; et il est évident que de nombreux responsables russes doivent craindre que la France fasse pression sur le patron de Telegram pour avoir accès à leurs communications ».

Telegram est également apparu dès le début de la guerre OTAN-Russie en Ukraine en 2022 comme une source d'informations et de séquences filmées de la guerre, non filtrées par les médias de l'OTAN et ukrainiens, notamment sur les pertes massives de troupes ukrainiennes et d'équipements de l'OTAN. La disponibilité de ces informations, réfutant les faux récits officiels des prétendues victoires de l'armée ukrainienne contre la Russie, a rapidement suscité l'hostilité des gouvernements de l'OTAN et des médias pro-OTAN.

« Alors que la guerre en Ukraine fait rage, l'application de messagerie Telegram est devenue le lieu de prédilection pour des mises à jour de guerre en direct non filtrées », a noté la National Public Radio américaine en 2022, se plaignant qu'elle risquait d'inciter à l'opposition à la guerre de l'OTAN. « Telegram, qui contrôle peu son contenu, est également devenu une plaque tournante de la propagande et de la désinformation russes. De nombreuses chaînes pro-Kremlin sont devenues populaires... »

Cette année en particulier, dans un contexte d'opposition croissante de la population ukrainienne à la guerre, des responsables du régime d'extrême droite de Kiev ont exigé que Telegram soit réduit au silence. Les autorités ukrainiennes n'ont finalement pas osé prendre cette mesure, puisque 72 pour cent de la population ukrainienne utilise l'application. Cependant, ils ont clairement indiqué à plusieurs reprises qu'ils considéraient qu'il s'agissait d'une menace politique interne critique, en particulier si Durov n'acceptait pas de censurer les sources russes sur Telegram.

Un responsable du renseignement militaire ukrainien, Andriy Yusov, a déclaré à la chaîne publique allemande Deutsche Welle (DW) que Telegram constituait une menace pour « l'information et pas seulement la sécurité de l'information » de l'Ukraine. Les responsables ukrainiens se sont plaints à plusieurs reprises que l'anonymat et la confidentialité de Telegram signifiaient que leurs services de renseignement, qui sont tristement célèbres pour leur répression brutale de la dissidence politique, ne pouvaient pas identifier et retrouver l'identité des personnes publiant des documents qu'ils n'aimaient pas.

Le parlementaire ukrainien Yaroslav Yurchyshyn a déclaré à DW qu'il pourrait soutenir une interdiction de Telegram « si la coopération avec Telegram ne fonctionne pas », car « le prix de ces failles dans la sécurité de l'information, qui permettent à la propagande russe de pénétrer facilement dans les produits d'information ukrainiens, est très élevé dans notre pays. Une question de vie ou de mort pour nos citoyens ».

Ce ne sont pas des allégations de complicité présumée dans la pornographie juvénile, mais plutôt la guerre des puissances de l'OTAN contre les forces russes en Ukraine et leur tentative de censurer les informations de cette guerre pour limiter l'opposition en Ukraine et dans les pays de l'OTAN, qui ont conduit à l'arrestation de Durov. L'arrestation vise non seulement l'opposition à la guerre en Ukraine, mais aussi les pays impérialistes de l'OTAN. L'appel de Macron à envoyer des troupes en Ukraine pour faire la guerre à la Russie est également massivement impopulaire, faisant face à près de 90 pour cent d'opposition en Europe occidentale et aux États-Unis.

Les responsables français et de l'OTAN veulent aussi que l’arrestation d’ un milliardaire russe sape le soutien à la guerre et au régime du président russe Vladimir Poutine dans les milieux de l'oligarchie capitaliste au pouvoir en Russie, qui a émergé de la dissolution stalinienne de l'Union soviétique en 1991. Récemment, l'Ukraine a envahi la Russie dans la région de Koursk, signalant que, malgré les revers militaires du régime ukrainien soutenu par l'OTAN, l'OTAN a l'intention d'intensifier le conflit et de forcer la Russie à se rendre.

En arrêtant Durov, la France et ses alliés impérialistes de l'OTAN avertissent les élites dirigeantes corrompues de la Russie que leurs avoirs à l'étranger et leurs vies ne seront pas en sécurité tant qu'ils ne se conformeront pas à la politique de l'OTAN et à ses projets de démembrement et de pillage de la Russie.

Cela dévoile clairement les forces politiques totalement réactionnaires qui se cachent derrière l'arrestation de Durov et l'assaut supplémentaire contre les libertés sur Internet qu'elles déclenchent.

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